Pourquoi une « Place Polig Monjarret » à Lorient ?
La municipalité de Lorient a prévu de donner à une place de la ville, le samedi 22 mai, le nom du musicien nationaliste breton Paul, dit Polig, Monjarret, en vue de rendre hommage à son action de « promotion de la culture bretonne ».
Quelle culture, quelle action ?
Polig Monjarret fut, sous l’Occupation un organisateur de la milice du Parti National Breton (PNB), milice dite des « Bagadou Stourm » (Brigades de Combat), rebaptisée « Strolladou Stourm » pour faire « S.S. » [1].
C’est lui-même qui, en 1983, dans sa revue Ar Soner [2], dit avoir échappé au STO par des faux papiers fournis par le PNB.
On a pourtant gardé trace des rapports des RG relatant en novembre 1943 les provocations au Cercle Celtique de Saint-Brieuc, des « jeunes du Bagadou Stourm, emmenés par Monjarret et Chevalier » [3] - avec « le chef des SS Noël Chevalier germanophile » [4] - l’un deux « en uniforme » [5] de « S.S. ».
On comprend donc que la Résistance, connaissant le rôle de Monjarret, l’ait cherché activement en février 1944 [6].
Sous le pseudonyme de « Trévézel », il avait collaboré à L’Heure Bretonne [7], organe du PNB nazi.
Pour se faire une idée de la « promotion de la culture bretonne » à laquelle la municipalité de Lorient souhaite rendre hommage, le mieux est de citer Monjarret : en mai 1943, il défend l’Europe Nouvelle, dans L’Heure Bretonne, en louant « les jeunesses organisées, donc fortes, de pays comme l’Allemagne, l’Italie, l’Espagne, la Roumanie, la Finlande » et proclame que, sur ce modèle, « il y a les techniciens de la jeunesse (…) qui étudient et mettent au point l’organisation future de la jeunesse bretonne. (…) en fonction de ce que sera la jeunesse européenne » [8].
Fait-il autre chose que mettre cette idée en pratique, en fondant, quelques jours plus tard, BAS (Bodadeg ar Sonerion, Assemblée des Sonneurs) au Congrès de l"> [9].
Collaborateur résolu des nazis sous l’Occupation, promouvant une normalisation de la musique populaire vouée désormais à servir une idéologie que les Bretons dans leur immense majorité ont toujours refusée, le nom de Monjarret mérite-t-il d’être donné à une place ? Et surtout dans une ville qui fut en Bretagne le dernier bastion de résistance au nazisme ?
La municipalité de Lorient, le conseiller municipal Jean-Yves Le Drian, député de Lorient et Président du conseil régional de Bretagne, ne peuvent plus ignorer ce que signifie le fait d’honorer des personnes impliquées dans le PNB et Breiz Atao sous l’Occupation, après le dossier sur Loeiz Herrieu communiqué à tous les conseillers municipaux.
Avec Loeiz Herrieu, Job Jaffré, Youenn Drezen, Xavier de Langlais, René-Yves Creston (et d’autres), honorés par des rues et lieux publics à Lorient, Polig Monjarret va-t-il se trouver, comme sous l’Occupation, parmi les siens à Lorient ? La Libre Pensée du Morbihan propose de participer à une commission d’enquête que la municipalité de Lorient devrait constituer avec des organisations démocratiques, des universitaires, des organisations issues de la Résistance, afin d’établir publiquement la réalité promue par chacun de ces noms de rue.
En disant non à la place Polig Monjarret, nous disons non à toute dérive communautariste en Bretagne et à l’occultation de l’histoire qui en résulte.
Document diffusé nationalement, et publié :
[1] « Le rêve fou des soldats de Breiz Atao », Ronan Caerléon (Caouissin), p.77
[2] Ar Soner, n° 273, 1983
[3] « Les nationalistes bretons sous l'occupation », Kristian Hamon, p. 103
[4] Ibid.
[5] Ibid.
[6] Ibid, p. 189
[7] Ibid, p. 115
[8] L’Heure Bretonne, n° 145, 2 mai 1943, p.8, « Une expérience ratée » (http://membres.lycos.fr/leguenne/images/hb_145.htm)
[9] Ar Men, n° 53, août 1993, p. 47