AU COLLÈGE PUBLIC DE PLESCOP
Paul (dit Polig) Monjarret (1920-2003) fut sous l'Occupation un collaborateur du Parti national breton (PNB) acquis à la cause du nazisme. Jamais il n'a renié son passé. Comment peut-on donner son nom à un collège ?
I. UN VRAI COLLABORATEUR DES NAZIS…
À en croire ses allégations, cautionnées par divers historiens, Monjarret n’aurait fait partie du PNB que pendant neuf mois et, arrêté par la Gestapo, aurait été déporté en Autriche comme réfractaire au STO. C’est évidemment faux.
1. Dès 1940, quoique menuisier, il occupe des fonctions de direction à la délégation de Bretagne du secrétariat à la Jeunesse, organisme pétainiste que l’autonomiste Yann Fouéré a œuvré pour confier à un jeune fasciste.
2. S’il démissionne, en 1942, c’est, écrit-il le 2 mai 1943 dans le journal pronazi L’Heure bretonne, que les organisations pétainistes de jeunesse sont indignes des « jeunesses organisées, donc fortes, de pays comme l’Allemagne, l’Italie, l’Espagne, la Roumanie, la Finlande. » En Bretagne, des « techniciens de la Jeunesse » « étudient et mettent au point l’organisation future de la jeunesse bretonne », contre la France, pour l’Allemagne du Reich.
3. Il met ce programme en application :
— Dès 1940, il s’est s’associé avec Isidore, dit Dorig, Le Voyer (1914-1987), membre du PNB, qui a inventé le biniou braz sur le modèle de la cornemuse écossaise, pour figurer dans des cliques paramilitaires bretonnes.
— Il fonde, en mai 43, BAS, l’organisation des sonneurs, lors du Congrès de l’Institut celtique dirigé par Roparz Hemon. L’article 2 des statuts stipule bien que « BAS n’accepte comme membres actifs que des Bretons de race. »
— Il organise les groupes de combat du PNB, les Bagadou Stourm (rebaptisés Strolladou Stourm « pour faire SS », d’après leur chef, Yann Goulet, condamné à mort à la Libération) et se bat avec eux.
4. Loin d’être un réfractaire, il poursuit ses activités politiques au grand jour :
— Il distribue L’Heure bretonne au son du biniou en compagnie de Jean Guiomard, qui s’enrôlera dans la milice SS bretonne dite Bezen Perrot.
— Poursuivi par la Résistance début 44, il se réfugie à Ploërmel chez Le Voyer. Mais on les voit jusqu’en juin 1944, parader officiellement.
5. Le 10 juillet 1944, Monjarret et Le Voyer épousent deux sœurs. Le surlendemain, ils sont arrêtés, leurs deux épouses obtiennent les papiers nécessaires pour les suivre au final au Tyrol, où le Bezen ira s’installer. « Dans les milieux autonomistes on estime que l’arrestation de Le Voyer et de Montjarret est une mise en scène destinée à camoufler aux yeux du public la fuite de ces deux individus. En effet, ils étaient en très bonnes relations avec les autorités allemandes. », écrit l’inspecteur de la Sûreté générale chargé de l’enquête.
6. À son retour, Monjarret se présente au commissariat de Saint-Brieuc et fournit une longue déposition selon laquelle il aurait été arrêté et déporté par la Gestapo. Assurant n’avoir fait que jouer du biniou et n’avoir aucune sympathie autonomiste il est relaxé. « Le préfet ne voulait pas me relâcher de peur qu’on me tue », rappelle-t-il, tant l’indignation en Bretagne était grande.
II. …FIDÈLE APRÈS-GUERRE À SES ENGAGEMENTS
Ayant trouvé les cautions requises, il reprend ses activités. BAS reparaît dès 1946 en se disant apolitique, mais les statuts précisent que seuls sont admis les « Bretons de naissance ». Pas de politique mais sur une base ethnique pure...
La revue Ar Soner qu’il publie à partir de 1949 rassemble dès le début nombre d’autonomistes collaborateurs des nazis, Jean Guiomard, Olier Mordrel, Youenn Drezen… Avec le temps, la propagande autonomiste devient plus envahissante. En juillet 1950, répondant à des sonneurs, Monjarret explique qu’il existe bien une « race bretonne » et que seuls sont bretons les Bretons de sang :
« Le Breton naît où il peut (fils de marin, de fonctionnaire) (...). Il n'en est pas moins breton de naissance si dans ses veines coule le sang riche et ardent de la vieille race bretonne (…). Un enfant né de parents étrangers, même né en Bretagne, ne peut être considéré comme breton de naissance. »
Il entre au comité directeur du premier parti nationaliste fondé après guerre, le MOB de Yann Fouéré, parti d’extrême droite œuvrant à l’indépendance de la nation bretonne contre la France métisse dans le cadre d’une Europe des ethnies.
BAS, qui rassemble à présent des milliers de sonneurs, a récemment décerné un prix à deux sonneurs noirs, provoquant la vindicte d’un militant nationaliste breton qui, raciste, se réclame légitimement de l’héritage du PNB. Ces sonneurs ont, non moins légitimement, porté plainte pour incitation à la haine raciale.
Peut-on soutenir ces sonneurs et donner à un collège le nom de celui qui, fondant BAS sur base raciste, s’exprimait au nom du droit du sang ?
Au nom de quelles valeurs entend-on donner un tel personnage en exemple aux enfants d’une commune du Morbihan qui a payé un si lourd tribut à la lutte contre le nazisme ?
Amicale laïque de Cleunay (Rennes), ANACR Côtes du Nord, ARAC Finistère, GRIB, LDH section de Rennes, LP Morbihan
Sources principales : L’Heure bretonne, Archives Départementales du Morbihan, d’Ille et Vilaine et des Côtes d’Armor, Ar Soner, ArMen. Nous sommes à la disposition de toute personne qui désire les références citées