La Fédération Morbihannaise de la Libre Pensée et le Groupe « Clémence Royer » de Vannes remercient les 22 personnes qui sont venus assister à la conférence-débat du jeudi 27 octobre à 19h à l'adresse ci dessus. Le thème de la Conférence était : « Jaurès, le combat contre la guerre en 1914, le combat pour la loi de 1905. »
Cette conférence a été décidée dans un minimum de temps vu les obligations des uns et des autres.
André le Béhérec a présenté la Libre Pensée, mouvement philosophique basé sur l'humanisme et la tolérance. C'est la première, donc la plus vieille des organisations traditionnelles se réclamant des idéaux de la laïcité. Elle a été fondée en 1847, cela va faire 170 ans et dans la situation actuelle on voit qu'elle n'a pas pris une ride.
Son origine est la rencontre de 4 grands courants politiques, ce qui fait que la Libre Pensée est une organisation Républicaine.
Citant le nom de Libre Penseurs il mit à part Ferdinand Buisson président de la commission « chargée d'étudier les propositions de loi relatives à la séparation des églises et de l’État et à la dénonciation du concordat », Aristide Briand qui en 1905 va en être le rapporteur et Jean Jaurès le sujet de la conférence.
Précisant que la Libre Pensée n'est ni une secte, ni une religion, il indiqua que l'association milite pour :
- un monde de justice sociale et de paix.
Qu'elle est
- antireligieuse et anticléricale, anticapitaliste, pour l'égalité des hommes et des femmes.
Qu'elle se revendique
- des valeurs de LIBERTÉ, ÉGALITÉ, FRATERNITÉ et de LAÏCITÉ, et se reconnaît dans la déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen.
Les Libres Penseurs du Morbihan ont en cette période 3 grandes occupations outre la préparation de la conférence-débat.
1) L'abrogation de la loi Debré et toutes les lois anti-laïques qui en découlent. Fonds publics à l'école publique.
2) La réhabilitation collective des fusillés pour l'exemple pendant la première guerre mondiale.
3) La mobilisation pour le respect de la loi de 1905 à Ploërmel et le suivi devant le conseil d’État, du dossier jugé par le Tribunal Administratif de Rennes, et en appel à Nantes.
Une décision devra être prise et les soutiens rassemblés pour mobiliser les citoyens et acquérir les finances nécessaires à cette démarche qui sont a obtenir rapidement.
Suite à cet introduction vint l'intervention du Conférencier, Monsieur Jean Pierre Fourré, grand admirateur et passionné de cet Homme courageux, auteur de « Et si Jaurès était à l’Élysée... », vice-président de l'Assemblée Nationale en 1985. Il situa la famille de Jaurès et le parcours de Jean en rapport avec son éducation dans ce milieu bourgeois mais modeste, où il est né.
Il traça le parcours de ce brillant élève qui à 13 ans fit un discours, à Castres devant l'inspecteur d'académie et le préfet. L'inspecteur se fit l'agent de cet enfant auprès de ses parents. Il obtint que Jean Jaurès poursuive ses études à l'école publique Sainte Barbe à Paris, école préparatoire à l’École Normale Supérieure à laquelle il fut admis premier devant Bergson. Mais c'est juste au rang derrière ce dernier qu'il fut promu à sa sortie. Ce fut la clôture de brillantes études avant d'entamer la profession de professeur de philosophie.
Il présenta deux thèses à la Sorbonne (De la réalité du monde sensible et –en latin- Des origines du socialisme allemand). Il écrivit de nombreux textes et eut avec Bergson de nombreuses échanges.
A 26 ans il fut élu député sans aucune ambition en politique mais partageant la situation sociale des citoyens de sa circonscription. Au début, peu expérimenté, il apprit et devint le tribun redoutable que l'on venait écouter. Jaurès se réclamait du socialisme, il était passionné par la révolution française, admirateur de Robespierre et il eut l’occasion de côtoyer des communards. Il participa aux mouvements sociaux, et encouragea la création des coopératives ouvrières. Révolutionnaire, humaniste il voulait que la révolution se réalise de manière démocratique, sans violence.
Il était un fervent militant contre la peine de mort, pour la réduction du temps de travail, la retraite à 60 ans, le droit des femmes. Il souligna l'importance des langues régionales, pas comme particularisme, mais, comme complément culturel. Citoyen Laïque il a accepté que sa fille fasse sa communion solennelle, prétextant permettre à sa femme de donner une éducation différente et complémentaire à son enfant. Il fut abondamment attaqué sur cette « faiblesse » mais l’expliqua constamment en référence à ses positions philosophiques sur sa conception de la laïcité.
Pour ce « Grande Homme », le doute reste un élément essentiel de sa réflexion. Il s'appuyait sur des principes inébranlables. Il n'aime pas le mot de tolérance mais préfère le respect. Pour lui Démocratie et République ne font qu'un. Il est pour l'intervention économique de l'état mais ne refuse pas le droit de propriété pour ceux qui créent des richesses (paysans, viticulteurs, artisan…). Sa conception était la formation des citoyens, et, dans ce cadre, le rôle prioritaire de l'enseignement avec le respect de l'enfant. La Laïcité est un élément essentiel de sa philosophie. Il fonde le journal « l'Humanité » pour pouvoir avoir une presse ouvrière.
Lors de l'affaire Dreyfus, ce dernier ne fut pas soutenu immédiatement par les socialistes qui avançaient de nombreuses raisons pour éluder une quelconque prise de position. Après la prise de position de Zola, Jean Jaurès exprima et combattit pour le retour aux fondamentaux, faire que la justice soit appliquée et il fit les socialistes s'engager pour la défense de ce juif injustement condamné.
Jaurès perçoit très vite que la guerre va arriver avec ses atrocités, et le désastre qu'elle va apporter. La guerre fut déclarée alors que certains belligérants participaient à une réunion de famille entre eux !!! Voyageur infatigable, il milite pour la grève générale contre la guerre (Rosa Luxembourg). Charles Péguy écrit alors qu'on doit tuer Jaurès, ce fut fait le 31 juillet 1914. La vindicte populaire suit l'ambiance générale de la France « va t'en guerre » et des journalistes qui en font l'apologie. Jaurès est tué au Café du Croissant. L'assassin est arrêté.
Le gouvernement a peur de la réaction de la population et surtout que les ouvriers se soulèvent. Pourtant toute la nation se rassemble, même les amis et soutiens de Jaurès, dans la liesse populaire pour la déclaration de guerre, « la der des der, » et le carnage et la misère que Jaurès avait prédits.
En 1917, par la mort de son fils au front les Jaurès subissaient une seconde fois le malheur de cette tuerie que Jean avait dénoncé et combattu. En 1919 Mme Jaurès se porte partie civile contre l’assassin Raoul Villain. Sur 12 jurés, 1 seul le considère comme coupable 11 comme innocent. C'était l'euphorie de la fin de la guerre et Jean Jaurès pouvait être considéré comme un traître. L'état d'esprit des Français était loin de demander la « réhabilitation des fusillés pour l'exemple ». Mme Jaurès est condamné aux dépens. Villain sera rattrapé par l’histoire ; réfugié à Ibiza il est tué par des anarchistes espagnols.
En 1924 contre sa volonté exprimée, le gouvernement décide que Jaurès, enterré à Albi, rentre au Panthéon. Une fois encore, la volonté de Jean Jaurès est trahie.
Un exposé qui a entraîné des questions et des développements du conférencier, sur l'Europe par exemple qui n'est pas à la dimension de cette idée que Jean Jaurès s'en faisait.
« Aller à l'idéal et de l'idéal comprendre le réel » c'était la démarche de Jean Jaurès.
Cette formule , Jean Pierre Fourré a demandé aux participants de cette conférence d'y réfléchir.