Vendredi 2 novembre 2018, juste après la célébration du porte-avion Charles-de-Gaulle et ses participations aux interventions militaires gouvernementales, la présentatrice du journal télévisé de la 2, à 13h, célèbre la « victoire » du 11 novembre 1918, de « ceux qui ont combattu pour notre liberté ».
Quelle victoire, quelle liberté, quel combat ? Et quelles interventions militaires aujourd’hui ?
Quelle victoire ?
La « Grande Guerre », la grande boucherie a été détruite à l’Est par la révolution russe le 23 février 1917 (8 mars de notre calendrier), en Russie Tsariste, aussi appelée « la prison des peuples ». Le refus d’être renvoyé en enfer dans la guerre a été au centre de la révolution d’octobre 1917. Les suites de ces évènements ont marqué tout ce qui a suivi, et les réflexions et appréciations de tous.
Et la grande boucherie a été détruite à l’Ouest, le 4 novembre 1918, par l’insurrection des marins et des ouvriers à Kiel, en Allemagne Impériale. Au soir du 4 novembre, Kiel était pratiquement aux mains des insurgés. Le 6 novembre, pratiquement tout le nord-ouest de l'Allemagne était aux mains de conseils ouvriers. Le 7, la République est proclamée en Bavière (celle de l’actuelle CSU). Le 8, la révolution gagnait la Saxe, la Hesse, La Franconie et le Wurtemberg, poussant les princes à l'abdication. Le 9, abdication de l’empereur Guillaume II, proclamation de la « première République de Weimar ». Les suites de ces évènements ont aussi marqué tout ce qui a suivi.
Voilà la réalité de l’armistice du 11 novembre, les révolutions russe et allemande ont commencé à rétablir la civilisation.
Quels combats, quelle liberté ?
Le Gorafi, un site web satirique, pose une question très largement partagée, en prenant la logique de M. Macron : « Il faut séparer le Pétain qui a fait fusiller des mutins, du Pétain qui a fait déporter des Juifs ».
« le Pétain qui a fait fusiller des mutins » : beaucoup des organisations présentes, des participants présents année après année depuis 2009, ont réussi à rendre très largement présents dans les « commémorations » les 639 fusillés pour l’exemple de la guerre de 14-18, les 15 venus du Morbihan.
Le « Pétain qui a fait déporter des Juifs » : comme bien des participants ici, ma famille a été doublement victime de Pétain et les siens. Mon grand-père a été gazé et à survécu jusqu’en 1967, comme les dizaines de millions de morts, mutilés, marqués au fer rouge dans leur chair et leur esprit par la grande boucherie, préfiguration des grandes exterminations de 39-45. La famille de ma mère, mes grands-parents et une tante, nés en Pologne et réfugiés belges à Toulouse en « zone sud », a été parquée pas à pas, dégradée et écrasée de camp en camp depuis décembre 1940 - camps que Pétain avait ouverts aux Kommandanturs nazies -, puis déportée par Drancy à Auschwitz. Par Pétain en août 1942 dans la grande rafle de la Zone Sud, en prolongation de la grande rafle du Vel d’hiv du 16 juillet 1942. Les familles de deux autres tantes les ont rejointes à Auschwitz, via Malines, le Drancy en Belgique. Ma mère y a échappé, cachée à Vannes, deux de ses frères ont été dans la Résistance à Toulouse.
Famille ordinaire et plus que fréquente.
Et Pétain, le même criminel en 14-18 comme en 39-45. Celui qui a personnellement fait fusiller pour l’exemple. Celui qui a considéré que Dreyfus bien que « probablement innocent » ne devait pas être réhabilité, celui qui avait participé à la souscription du « monument Henry » lancée par les antisémites en honneur du faussaire qui avait appuyé l'accusation. Pétain, celui qui mène avec celui qui deviendra le dictateur Franco la guerre du Rif au Maroc (marquée par utilisation massive d’armes chimiques, le gaz moutarde toujours responsable de cancers et malformations, car l’une des principales revendications du Hirak, mouvement de protestation qui touche la région du Rif, est de gérer les conséquences). Pétain, celui qui entre « en politique » comme secrétaire d’État dans le gouvernement formé à la suite des émeutes fascistes du 6 février en 1934, et l’homme installé à Vichy en 1940 par la « divine surprise » de la défaite, dans un « gouvernement » où se concentre la « Cagoule », le groupe fasciste mussolinien et hitlérien. C'est ce Pétain là, en 1918.
Et il n’y a pas que dans la longue suite des interventions coloniales de « nos » gouvernement que Pétain a pris place. L’actualité oblige à relever que M. Macron veut tailler en pièce la loi de 1905 de séparation des églises et de l’Etat, en aggravant les mesures de Pétain du 25 décembre 1942 pour le financement des églises, la seule remise en cause importante de la loi de 1905, en dehors de la loi Debré. Au bénéfice évident de l’Église catholique, qui fut corps et âme avec Pétain, en 1918 comme en 1942, dans la « Charte du Travail » comme dans la « doctrine sociale de l’Église » dont se réclame Macron, ouvertement depuis la revue Esprit, la revue d’Emmanuel Mounier, ce dernier sorti à temps de Vichy.
Et quelles interventions militaires aujourd’hui ?
Il y a toutes celles provoquées par l’intervention criminelle en Lybie, celle de l’ancien allié Kadhafi. Rony Braumann, dans son livre récent « Guerres humanitaires : mensonges et intox » révèle à nouveau la fiction de la colonne de chars devant exterminer Benghazi, prétexte à l’intervention qui a laché en Afrique des bandes lourdement armées, qui ont rejoints les guerre « ethniques » et « djihadistes ». Seule question : quelles multinationales derrière chaque guerre.
Il y a l’Irak, la Syrie, l’Afghanistan, et leurs « djihadistes démocratiques » à armer (dont Al Qaida en Syrie).
Il y a ce qui concentre le refus de la guerre, celle au Yémen, la guerre de massacres et de famine catastrophique avec « nos » armes : « nos » armes doivent être arrêtées, retirées, désactivées, paralysées. Sauf changement, les possédants de l’Arabie Saoudite sont toujours aujourd’hui au Forum de la Paix de M. Macron.
Faut-il une initiative sur ce point précis ? C’est une idée soumise aux organisations et aux personnes présentes.
Réhabilitation des fusillés pour l’exemple
Avec d’autres, la Libre pensée met en place un monument aux fusillés pour l’exemple, sur la ligne de front, à Chauny dans l’Aisne. Nous avons toujours déclaré dans ces rassemblements que cette action prépare la résistance à la guerre aujourd’hui. Ce monument aux fusillés pour l’exemple va être inauguré le 6 avril 2019, centième anniversaire du rassemblement du 6 avril 1919 de 100 000 personnes contre l’assassinat de Jean Jaurès. 80 000 euros ont été collectés sur 100 000. Chacun et chacune peut contribuer, organisation comme individu.