Ouest-France

Selon l’évêque, le renouveau de la langue est un défi pour l’Église
Mgr Gourvès défend la culture bretonne

François-Mathurin Gourvès, évêque de Vannes, part en croisade pour le renouveau de la culture bretonne. L’initiative est celle d’un Breton solide et convaincu qu’il s’agit aujourd’hui d’un défi pour l’Église.

Ne lui faites pas dire qu’on lui en a soufflé l’idée. Elle est de lui et de lui seul. L’évêque du diocèse de Vannes, comme chacun le sait, est d’abord fier d’être breton. Mais le contenu de sa dernière lettre pastorale, intitulée « Renouveau de la culture bretonne un défi pour l’Église » ne se veut surtout pas une prise de position politique sur la Bretagne. « Je suis breton, dit Mgr. Gourvès. Le breton est ma langue maternelle. J’en éprouve une certaine fierté. A ce titre, et comme évêque de l’un des diocèses de Bretagne, il m’a semblé opportun d’entrer en dialogue avec tous ceux qui sont attachés à la culture bretonne. Celle ci doit conserver toute sa place dans le contexte de la mondialisation en cours. » Le propos est clair. Et la lettre pastorale du 10 septembre en est une vivante illustration.

Elle puise d’abord à la mémoire de notre histoire, chez ces moines du Ve siècle, devenus évêques et que l’on appellera plus tard les saints fondateurs de la Bretagne chrétienne. Elle fait allusion aussi à un passé plus récent, celui de l’entre-deux guerres, où le catéchisme se faisait en breton. Elle rappelle la rupture soudaine des années 1950 où, par la volonté, peut-être, d’une « République indivisible et laïque », la langue bretonne entra dans le déclin.

« Aujourd’hui, en trois ou quatre décennies, écrit l’évêque de Vannes, la culture bretonne a retrouvé un extraordinaire dynamisme... C’est une richesse à protéger alors que se précise la menace d’une uniformisation linguistique à l’échelle de la planète. Il nous faut donc faire droit aux minorités culturelles. Comme l’a proclamé Jean-Paul Il dans son message pour la journée mondiale de la paix le 1er janvier 1989. »

Voilà qui n’a peut-être rien d’une prise de position politique. Mais le propos est bien étayé et suffisamment fort pour ne laisser personne indifférent.

Daniel LE BERRE.

Ouest-France
Samedi-dimanche 13-14 septembre 2003, p.9

Le Télégramme

Église et culture bretonne. Un nouvel élan perceptible

VANNES. Église et culture bretonne ne poursuivent pas le même but, mais leurs chemins se croisent volontiers... Dans sa lettre pastorale intitulée « Le renouveau de la culture bretonne: un défi pour l’église », François-Mathurin Gourvès, évêque de Vannes, évoque longuement ce nouveau dialogue qui veut prendre en compte les minorités culturelles.

Église et culture bretonne... D’aucuns s’interrogeront sur le choix de ce thème de rentrée. Mgr Gourvès leur répond: « Parce que le breton est ma langue maternelle, parce qu’on assiste aujourd’hui à un renouveau de cette culture bretonne et enfin en raison de la venue du Pape en 1996. Jean Paul Il s’est montré sensible aux minorités culturelles... Aujourd’hui, l’église doit prendre les gens comme ils sont dans leur culture et ne pas imposer un modèle uniforme ».

Du complexe breton dans les années 45 à la fierté affichée aujourd’hui de parler breton, en passant par le grand réveil des années 70, l’évêque de Vannes analyse les rapports entre l’Église et la langue, durant cette seconde moitié de XX’ siècle : le décrochage des prêtres lorsqu’ils ont cessé de parler breton (*), leur rôle dans le réveil des cercles et bagadoù et la porte ouverte par le Concile de 1965 sur les cultures minoritaires et l’émancipation des peuples.


Traduction des textes liturgiques en breton

Que sont devenus, à l’aube du XXI’ siècle, ces grands principes dans le diocèse de Vannes ? Mgr Gourvès avance les 1.300 pardons annuels dans le Morbihan, signe d’une vraie religion populaire, qui sont aussi le cadre de festivités.

« Pour ma part, j’encourage l’église dans ce dialogue avec la culture bretonne et il faut rejoindre des jeunes générations qui ont fait le choix du breton ». Un discours qui n’en reste pas aux voeux pieux et plusieurs signes en témoignent: la traduction des livres liturgiques dans un breton unifié par la commission pastorale pour le breton, les messes en breton à Sainte-Anne d’Auray, la catéchèse en breton dans certaines écoles de Vannes comme à l’école Saint-Guen… On peut se procurer cette lettre pastorale rédigée en Français et en Breton dans les paroisses du Morbihan et à l’évêché: Le Petit Tohannic, BP3, 56002 Vannes Cedex. Elle peut également être consultée sur le site Internet du diocèse :
http://catholique-vannes.cef.fr.

* Aujourd’hui, environ 10 % des prêtres parlent le breton.

Lundi 15 Septembre 2003

Le Télégramme

Le Monde

L'Église catholique encourage l'enseignement du breton

LE MONDE | 24.11.03 | 13h13

Les élèves sont déjà nombreux à apprendre cette langue dans les établissements confessionnels

Rennes correspondance

Pour la première fois, alors qu'elle s'était tenue à l'écart de ce débat depuis des décennies, l'Église catholique, dans une lettre pastorale de Mgr Mathurin Gourvès, évêque de Vannes (Morbihan), vient de lancer un appel en faveur du développement et de la promotion de la culture bretonne.

Dans les années 1930, la contestation régionaliste était plutôt conduite par la droite catholique, rurale et conservatrice mais les "dérives" de certaines personnalités sous l'Occupation avaient provoqué dans l'Église un "malaise", une des causes de son silence jusqu'à aujourd'hui.

"Un mouvement de fond travaille "l'âme bretonne", l'Église ne peut y rester indifférente", écrit l'évêque en appelant les chrétiens à "donner à la langue et à la culture bretonne la place qui leur revient lors des cérémonies religieuses"et dans l'enseignement. Pour Mgr Gourvès, "le bilinguisme réel doit pouvoir progresser" et "l'école catholique doit accentuer son effort" en encourageant la scolarisation bilingue dans le réseau des écoles privées, qui accueille la moitié des élèves dans l'ouest de la France. La scolarisation bilingue a déjà beaucoup progressé ces dernières années dans les écoles, collèges et lycées catholiques. Ainsi la rentrée scolaire 2002 a enregistré un accroissement de 16 % de ses effectifs en Bretagne.

TROIS MILLE ENFANTS

Avec 3 000 enfants et adolescents qui étudient le breton pendant leur scolarité, les établissements catholiques sont désormais proches, en nombre, du public et des écoles Diwan. Le privé confessionnel, qui ne s'intéresse à cette question que depuis une dizaine d'années, pourrait bientôt prendre le pas sur Diwan, créée il y a vingt-cinq ans mais qui connaît de graves difficultés en raison de l'échec de son intégration dans le public en 2001.

Faut-il voir dans cette prise de position d'un prélat plutôt classé parmi les "conservateurs" sur les questions de société une "droitisation" de la cause bretonne ? "L'Église catholique observe les tendances de la société et essaie de les prendre en compte. Cela devrait interpeller l'éducation nationale et le monde politique", commente Christian Guyonvarch, porte-parole de l'Union démocratique bretonne (UDB), formation régionaliste qui a inscrit la défense de la laïcité dans ses statuts.

Pour le Père Herménégild Cadouëllan, qui se réclame du courant humaniste et tiers-mondiste du Père Lebret et qui préside la commission pastorale pour le breton, cette langue "est une langue du peuple et il est normal qu'elle soit utilisée". "Elle permet également d'assurer une présence chrétienne qui n'est pas une domination", ajoute le Père Cadouëllan. A la différence d'une longue période où le breton fut le vecteur du cléricalisme dans le monde rural de l'Ouest.

Hervé Jégouzo

 ARTICLE PARU DANS L'ÉDITION DU 25.11.03